Chaque soir, les occupants d’Équinoxe dînent ensemble. Un moment qui permet de revenir sur la journée écoulée mais surtout de passer un bon moment. © Photo NR Les loges d’Équinoxe font désormais office de chambre à coucher et de salle de bain." Les loges d’Équinoxe font désormais office de chambre à coucher et de salle de bain. © Photo NR Le hall d’accueil d’Équinoxe a été réaménagé en espace de travail par les occupants du bâtiment public." Le hall d’accueil d’Équinoxe a été réaménagé en espace de travail par les occupants du bâtiment public. © Photo NR
Les loges d’Équinoxe font désormais office de chambre à coucher et de salle de bain. © Photo NR Le hall d’accueil d’Équinoxe a été réaménagé en espace de travail par les occupants du bâtiment public." Le hall d’accueil d’Équinoxe a été réaménagé en espace de travail par les occupants du bâtiment public. © Photo NR
Le hall d’accueil d’Équinoxe a été réaménagé en espace de travail par les occupants du bâtiment public. © Photo NR
Depuis le 10 mars, des intermittents du spectacle occupent la scène nationale de Châteauroux. Sur place, travail, famille et démocratie participative s’organisent en un ballet ultra-coordonné.
Il est 18 h ce vendredi 12 mars, lorsque Géraldine Gallois, musicienne d’une quarantaine d’années, démarre la visioconférence reliant tous les théâtres occupés de France. « Tous les jours, nous évoquons le déroulement de l’opération, les actions effectuées par les différents groupes d’occupants, les réactions publiques, etc. »
Encore aujourd’hui, ils étaient plus de quarante à venir discuter avec les artistes. « Nous recevons des spectateurs, des cuisiniers, des étudiants, des collectifs antifascistes, ou juste des citoyens venus s’inscrire sur la liste de présence affichée sur ce tableau et donner leur e-mail que l’on conserve dans un livre d’or », précise Millie Duyé, une jeune autrice, metteuse en scène et directrice artistique d’une compagnie du Cher.
Un endroit sacré Chaque jour, depuis le début de l’occupation à Équinoxe, ils sont entre 20 et 30 personnes à venir se relayer et une dizaine à dormir sur place. Tout y est organisé comme sur du papier à musique.
« Ceux qui dorment ici se lèvent généralement vers 7 h, raconte la jeune femme. Après le petit déjeuner au foyer et une douche prise dans les loges, on se retrouve dans la salle d’accord pour y faire un peu de sport ensemble. Cela peut être un entraînement de danse, du taï-chi, du yoga. Bref, un training que l’un d’entre nous propose aux autres. À 10 h, tout le monde est dans le hall d’accueil que nous avons réaménagé en espace de travail. C’est ici que nous préparons les actions du jour, que nous rédigeons les tracts ou que l’on prépare l’agora qui débute à midi. »
L’après-midi est surtout consacré aux actions directes comme du tractage… Soudain, un cri de joie retentit. « Le Grand Théâtre de Tours est occupé », s’exclame Elodie, une comédienne-marionnettiste. Aussitôt, Millie se précipite pour inscrire le nom de la ville sur le tableau dédié à cette liste qui s’allonge de jour en jour. Il est 18 h 30.
« Cela me fait rire quand j’entends certains politiques dire que l’on est dangereux et que l’on va saccager les lieux. Ce qu’ils n’ont pas compris, c’est que le théâtre, c’est notre espace de travail. C’est un endroit sacré pour nous ! Quel serait notre intérêt à le détruire ? Nous sommes en communication constante avec la direction d’Équinoxe qui soutient notre action. D’ailleurs, nos revendications ne sont pas uniquement circonscrites au secteur culturel. Certes, l’occupation du théâtre est une initiative de personnes issues du milieu artistique, il n’empêche, nos requêtes concernent l’ensemble des intermittents de l’emploi qui sont trop souvent oubliés. En se rassemblant, on revient à l’origine de la démocratie, au temps où chaque citoyen participait à la vie de la cité. »
« On ne vit que de dons » « J’ai faim, papa », annonce Pablo du haut de ses 3 ans et demi. Avec Iliès, Sara et Paul, il fait partie des enfants venus avec leurs parents. Il est à peine 19 h 30, que tous sont déjà assis sagement, attendant le repas préparé par Alexandre Hénot, un cuisinier au chômage qui a rejoint le groupe. Ce soir, c’est bœuf mijoté aux lentilles.
« On ne vit que de dons, confie Bruno Aucante, comédien et metteur en scène à la Barda Compagnie, une troupe castelroussine. Pour l’instant, aucun centime n’a été dépensé pour subvenir à nos besoins. C’est génial ce qui se passe ici. On s’entend tous bien les uns les autres. Et pourtant, beaucoup d’entre nous ne se connaissaient même pas il y a encore quelques jours. Il y a une énergie qui nous galvanise tous, nous fait aller dans le même sens. C’est ce qui fait la force de notre mouvement », conclut-il. Après le repas, l’artiste rédige le compte rendu de la journée, son fils, Iliès sur les genoux. Puis le prenant dans ses bras, il gravit les quelques marches qui le mènent vers sa chambre improvisée. Il est 22 h. C’est l’heure de dormir. Demain, une autre journée pour sauver la culture les attend.